Cette jeune fille assise sous une averse diluvienne nous regarde, nous, un groupe de Françaises réfugiées sous le toit d’un petit kiosque, où nous avons couru dès les première gouttes comme si chacune d’elle était une balle tirée par une mitraillette.
J’aime la sérénité de son regard et l’ironie de son sourire.
La mousson est une saison que nous ne connaissons pas en France. Nous n’en avons qu’une expérience indirecte via la littérature coloniale où les européens sont accablés par les pluies diluviennes, les torrents de boue qui empêchent tout mouvement hors de la maison. Via les infos aussi qui nous montrent les images apocalyptiques de villes entières inondées, de routes transformées en fleuves.
Ce genre d’intempéries, chez nous, est une catastrophe, un déluge, une fin du monde.
J’en ai vécu de violentes en France et j’ai mal réagi.
Comme beaucoup, j’appréhendais la mousson en Inde. Mais au mois d’Août, la France m’ennuie et l’Inde m’attire. Tant pis, j’allais affronter la mousson.
Jaipur, au mois d’Août. Une chaleur douce, un ciel un peu couvert certains jour, de gros nuages gris d’orage qui avancent lentement, comme une armée menaçante marchant sur la ville. Le temps d’une visite dans un musée, le clapotis des premières gouttes sur les vitres, puis le grondement de tambour de l’averse battante. Quand on ressort, la rue par laquelle on était arrivé est devenue une rivière. L’eau coule du ciel, sur la terre, comme s’il n’y avait plus de limite entre les deux.
La fin du monde ?
Non, la pluie, simplement. La pluie comme un cadeau dans cette région aride. La pluie qui vient du ciel, comme la lumière du soleil, comme le vent.
La foule court-elle se mettre à l’abri, paniquée ? La rue se couvre-t-elle de parapluie noirs et de gens pressés ?
Non. Sur le gris de la pluie, les couleurs de l’Inde ressortent plus vives. Peu de parapluies, on se regroupe sous des auvents, des porches, des entrées de temple. Les enfants jouent dans le torrent des rues.
On laisse la pluie faire, même si on a de l’eau jusqu’aux genoux.
Et puis elle s’en va, comme elle est venue, subitement, sans prévenir.
Quelques heures plus tard, à peine, la rivière s’est évaporée, l’air doux sèche les vêtements.
Dans le bus qui traverse la ville, il règne une ambiance étrange de doux soir d’été éclairé d’une lumière automnale d’après orage.
Les cheveux encore un peu humides on sourit, comme après ces journées d’enfance où on avait sauté dans les flaques.
En prime pour ce dernier conseil de la liste, une vidéo de la mousson à Jaipur.
Comentarios